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50 ans de Les ordres : entre le documentaire et la fiction pour s'approcher des émotions

Il y a 3 heures
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Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Selon le professeur de cinéma Germain Lacasse, la distance créée par l'adresse à la caméra des acteurs ne fait que renforcer la sincérité et la crédibilité des émotions que porte le film Les ordres. (Photo Gracieuseté)

Cet article a été publié en octobre 2014, à l’occasion des 40 ans du film Les ordres. Le voici dans son intégralité, alors que le film souligne son 50e anniversaire.

La réalisation très sobre, la justesse du jeu des comédiens, la «position équivoque entre le documentaire et la fiction» sont entre autres les éléments que retient Germain Lacasse, professeur de cinéma québécois à l'Université de Montréal, pour décrire Les ordres, de Michel Brault.

Classique s'il en est un, Les ordres est le film le plus montré dans les cours de cinéma, relève le professeur. Le film a rapidement été porté aux sommets, remportant de prestigieux prix dont celui de la mise en scène au Festival de Cannes.

«Les prix ont aidé à faire connaître et apprécier le film du grand public», rapporte M. Lacasse. Cette «fiction documentée», comme l'a défini Brault, relate l'arrestation arbitraire d'individus à la suite de la proclamation de la Loi sur les mesures de guerre en octobre 1970. 

«Brault a fait 50 entrevues avec des gens qui ont vraiment été arrêtés. Il a bâti son film à partir de témoignages», relate M. Lacasse. Cela contribue, selon lui, à la crédibilité du film. 

Dans le film, il arrive que les acteurs quittent volontairement leur personnage, pour s'adresser directement à la caméra. Ils se nomment et présentent leur personnage. «Cette distance donne une deuxième couche. Ça donne une sincérité aux personnages et aux acteurs», croit le professeur.

Une crise amplifiée

L'une des forces de ce film, selon Germain Lacasse, est qu'il montre que la «crise a été amplifiée par la réaction du pouvoir politique». Il rappelle ainsi les 450 individus arrêtés, alors que le FLQ n'était en fait que «quelques petits groupes de jeunes hommes et femmes idéalistes, désorganisés. Ça a mené à une tragédie qu'ils ne voulaient pas.»

«Quand on voit le personnage de Claude Gauthier à qui les gardiens de prison ont fait croire qu'il sera condamné à mort, c'est pousser le barbarisme. Ce n'est pas les djihadistes, mais ce n'est pas plus brillant!» s'exclame-t-il.

Bien que sorti seulement quatre ans après les événements de la crise d'Octobre, soit en septembre 1974, le film aurait pu prendre l'affiche bien plus tôt. M. Lacasse explique que les «cadres de l'Office national du film ont traîné les pieds», afin d'en empêcher la sortie. 

Quant aux critiques du journaliste et felquiste Pierre Vallières à l'endroit du film qu'il trouvait trop modéré par rapport à la réalité,  M. Lacasse n'abonde pas en ce sens. «Le film montre assez crûment ce qui s'est passé. Il reste encore très fort».