Beaucoup de règles autour des distilleries
Au cours des derniers mois, trois distilleries ont fermé leurs portes au Québec. Le cadre réglementaire et législatif serait un frein à l’essor de ses joueurs sur le marché, blâme l’Union québécoise des microdistilleries. Les joueurs du coin rencontrés évoluent dans ce marché à taille humaine, sachant que la Société des alcools du Québec (SAQ) opère un monopole d’État sur certains aspects de l’industrie.
:«On aime travailler avec la SAQ, assure Loïc Chanut, œnologue chez Entre Pierre et Terre. Peu de producteurs, de ce que j’entends, ont de bons mots pour la SAQ. Moi, je n’ai que de bons mots. C’est elle qui nous a fait naître, elle qui nous a fait croître et on va terminer, probablement notre vie avec elle. »
L’entrepreneur dit avoir lancé la microdistillerie située à Franklin en connaissance de cause. Il était au courant du cadre que ce soit pour la taxe d’accises ou la distribution.
Au fil des ans, il y a eu l’expansion des permis de distillerie qui permet de vendre directement en épicerie. Une permission qui ne s’applique pas au spiritueux.
Comme l’entreprise est plus petite, elle n’a pas le temps d’être agressive sur le marché des épiceries spécialisées.
En travaillant sur de petits volumes, Entre Pierre et Terre avec originalité, innovation et surtout bon goût, fait son trou dans le marché.
Une clientèle régulière visite les installations à Franklin. Si bien que 25 % des ventes se font sur place. Une surprise pour M. Chanut puisque la boutique ne faisait pas partie du plan initial.
Quant à la restauration, c’est une agence qui s’occupe de ce volet. Si bien que l’œnologue ne sait pas sur combien de tables se retrouvent ses produits.
En quête d’autonomie complète
L’entreprise artisanale a été fondée il y a 12 ou 13 ans. Avec l’objectif de tout faire, de la terre au verre. Ainsi, 100 % des petits fruits cultivés sont transformés. «On a une niche dans une niche, soutient-il. Le but est d’aller plus loin avec une poire que juste la transformer en poiré mousseux ou en poiré de glace.»
Le but est d’être pleinement autonome à court ou moyen terme. «On est parti petit et on reste petit, assure-t-il. Au bout de 15 ans, on aura notre autonomie totale. Depuis quatre ans, on a cessé la croissance de l’entreprise. On a toujours une demande qu’on ne peut pas combler. Mais la raison principale est l’accessibilité à la main-d’œuvre.»
Notamment aux travailleurs étrangers puisque l’entreprise à structure petite peut difficilement définir ses besoins sur une période de temps défini.
L’augmentation des salaires est aussi un enjeu. «Comme entreprise agricole, nous sommes beaucoup moins attractif, ajoute M. Chanut. Il faut être passionnée et travaillant.»
Un cul-de-sac atteint, juge l’UQMD
Au début du mois de mai, l’Union québécoise des microdistilleries (UQMD) a demandé une refonte complète de la réglementation. «Ces lois et règlements remontent à l'époque de la prohibition, et malgré un potentiel de prospérité, l'industrie des spiritueux continue de décliner de façon accélérée., peut-on lire dans un communiqué émis le 2 mai. Plutôt que de propulser le secteur, l’inaction du gouvernement et le manque de volonté politique ont perpétué un environnement d’affaires hostile étouffant ainsi les distilleries québécoises les unes après les autres.»
La gestion de l’assortiment des spiritueux dans les succursales de la SAQ est une discussion entreprise avec l’UQDM. Celle-ci plaide aussi en faveur de canaux de distribution alternatifs depuis longtemps.
«Le gouvernement a entre les mains le sort de nombreuses petites et moyennes entreprises québécoises, a affirmé Joël Pelletier, président de l’UQDM. Les solutions sont connues, notamment via l’ouverture de canaux de mise en marché alternatifs. On lui demande d’avoir le courage de faire les changements nécessaires pour libérer une industrie locale et appréciée des citoyens et consommateurs.»
L’UQDM ajoute qu’en 2022, les deux tiers des distilleries québécoises étaient déficitaires.