«Cachez ce Saint…»

Plusieurs réactions ont suivi l’annonce du Centre de services scolaire de la Vallée-des-Tisserands pour le changement de nom de l’école primaire Sainte-Agnès en celui d’École de la Source à compter du 1er juillet. Préservation du patrimoine ou affranchissement du pouvoir de l’Église ?

« Cette nouvelle identité marque un tournant audacieux qui vise à mieux refléter la fonction éducative de l’établissement, tout en augmentant le sentiment d’appartenance de notre communauté scolaire. Le nom École de la Source incarne l’image d’une source de connaissances inépuisable et symbolise un engagement envers l’apprentissage et la réussite des élèves », explique François Robichaud, directeur adjoint à la réussite au CSSVT.

L’ancien président de la défunte Commission scolaire de la Vallée-des-Tisserands, Frank Mooijekind, se montre perplexe face à une telle décision. «Je ne sais pas où le Centre de services scolaire s’en va avec ça, dit-il. Je trouve ça dommage pour tous ceux et celles qui ont fréquenté cette école dans le passé et qui n’ont pas été consultés. C’est comme un bout de l’histoire qui s’envole. Maintenant, quelle sera la prochaine école à changer de nom ?»

Sur les réseaux sociaux, des commentaires vont aussi à l’encontre du nouveau concept. « J’aimerais savoir en quoi le nom de l'école reflétera mieux les valeurs et le milieu de vie des élèves et de leurs parents, je ne vois pas le lien, affirme Louise St-Aubin. Moi je suis allée à cette école et ma mère aussi a fait son primaire là. Il y a une histoire derrière cette école c'est notre culture que vous effacez.»

D’autres sont plutôt d’accord avec ce changement de nom. « Bravo!, lance Yvan St-Hilaire. Tous les bâtiments portant un nom en lien avec la religion et ou la canonisation ne sont vraiment plus de mise. On a trop souffert du catholicisme. Encore trop de villages portant le nom de Saints. Tous les touristes s'en étonnent encore. »

Piste de réflexion

Invité à commenter ce changement d’appellation, le journaliste des affaires religieuses Alain Crevier ne s’étonne pas de cette situation. 

«Nous sommes passés d’une société où presque tout avait un rapport à l’Église à une société hautement sécularisée. Les Québécois ont construit des centaines d’églises, tout près de 2000 entre 1900 et 1975. On a baptisé tout ce qu’on pouvait baptiser avec les noms des saints catholiques… Jusqu’à ce que son emprise commence à se fissurer et à s’émietter. Comme un retour du balancier, les paroisses se fusionnent, les bâtiments sont vendus ou détruits laissant dans le paysage des noms qui n’ont plus de sens pour beaucoup de gens», constate-t-il.

Le journaliste Alain Crevier a longtemps animé l'émission Second Regard, à Radio-Canada. (Photo gracieuseté)

Quant à l’idée de rebaptiser une école, une rue, des bâtiments, le spécialiste établit un parallèle avec ces grandes communautés religieuses qui ont littéralement construit le pays et qui maintenant disparaissent dans l’indifférence généralisée. 

«Ce n’est pas une question de nostalgie. Mais un constat : notre monde, nos croyances et nos certitudes ont beaucoup changé et les gens ne se reconnaissent plus dans le panthéon des saints et des saintes catholiques. »

Pour ce qui est de la notion de patrimoine, Alain Crevier croit qu’elle est absolument pertinente. «Mais encore faut-il y être attaché, note-t-il. Que veut-on conserver? Que considère-t-on comme patrimonial? Et que vaut ce patrimoine?», poursuit-il en évoquant Les invasions barbares, de Denys Arcand.

«Alors… Quand on dit que la rupture entre les Québécois et l’Église est immense, c’est de ça dont on parle. »

Des écoles qui ont changé de nom

-École Saint-Paul (Châteauguay) : École des Trois Sources
-Écoles Saint-François/Sainte-Anne (Rigaud) : École L’Épervière
-École Saint-Jean-Baptiste (Vaudreuil-Dorion) : École Papillon bleu
-École Pie XII (Châteauguay) : École de la Rive
-École Christ-Roi (Longueuil) : École Claude-Lafortune