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Caro la sauveuse

le mardi 23 juillet 2024
Modifié à 11 h 55 min le 23 juillet 2024
Par Eric Tremblay

etremblay@gravitemedia.com

Caroline offre plus que des soins. L’infirmière œuvre auprès d’une clientèle désaffiliée qui vit en marge de la société. Elle est une bouée de sauvetage pour ses quelque 250 usagers vulnérables. Une vocation de cœur pour celle qui est le pivot de la Clinique Repères.

Caroline Rancourt, ou Caro pour la majorité de ses usagers, travaille depuis trois ans dans une clinique à haut seuil de tolérance. 

«On a sauvé un monsieur de la bactérie mangeuse de chair, s’est-elle remémorée. On a même sauvé sa jambe. Il devait avoir 60 ans à l’époque et il m’en parle encore. Il n’avait jamais vu de docteur auparavant.»

Ils sont plusieurs à ne jamais avoir consulté un médecin avant de la rencontrer. Les motifs sont variés. «Ce sont des gens qui ont perdu confiance au système, d’anciens criminels ou des gens qui ont des problèmes de dépendance ou de toxicomanie, explique-t-elle. Des gens qui ne fittent pas dans le système.»

Ils ont ce sentiment de rejet, souvent après avoir été victime de jugement. Ils deviennent donc méfiants. Le lien de confiance que Caroline crée avec les patients est précieux. «Le but est de les réaffilier au système, a ajouté Dre Fabienne Djandji, médecin responsable de la clinique. Sinon, je ne leur sers pas à grand-chose. Je ne peux pas avoir 3000 patients.»

Médecine de rue

Les journées de Caroline sont toutes différentes. Elle donne des soins en santé physique, traite des dépendances, fait de la prévention aux infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) et même des soins palliatifs. Dans des endroits parfois insalubres où s’entassent des résidents qui cherchent à survivre. «Des fois on en perd de vue, laisse-t-elle entendre. Qui sont allés en prison ou à l’extérieur. On a nos saisonniers. L’été, il y a toujours moyen de les retrouver.»

Caroline représente un ancrage d’attachement fort pour les usagers. «C’est leur sauveuse, assure Dre Djandji. Ils l’appellent même pour des dépannages alimentaires. Elle en a aidé à obtenir leur carte d’assurance maladie, faire leurs impôts ou trouver un logement.»

Des rendez-vous de 15 minutes pour un soin de plaie peuvent parfois s’étirer sur deux heures. Les usagers parlent à Caroline. Ils se libèrent l’âme auprès d’une oreille attentive qui est sans jugement. 

Des résultats

Caroline n’a pas de statistiques. Mais elle sait que ses actions font une différence. «Des travailleurs de rue m’ont déjà dit de ne pas essayer avec tel usager; qu’il ne voudrait rien savoir, a raconté Caroline. Il s’agissait d’un toxicomane qui consommait depuis 20 ans. Il a arrêté sa consommation et il a pu retrouver contact avec sa famille ou son enfant.»

Dre Djandji avance que l’infirmière de rue permet d’éviter des consultations à l’urgence, des hospitalisations et des transports en ambulance. Des charges monétaires et en temps qui permettent de se pencher sur d’autres priorités.

Maintenir la Clinique Repères commanderait un budget annuel d’environ 200 000 $, avance également la médecin.
Celle-ci est à son tour itinérante. Elle a été logée un temps chez Pacte de Rue. Mais elle se cherche un nouveau toit. Salaberry-de-Valleyfield a été interpellée dans la recherche d’un local. La Clinique recherche aussi des dons.

De la résilience

Les besoins d’une telle clinique ont été démontrés au fil des ans. L’infirmière a su créer un lien de confiance avec ses usagers. 

«J’ai toujours eu un intérêt pour cette population, a-t-elle reconnu. Je suis une passionnée. Il y a des usagers qui sont merveilleux et débrouillards. Qui démontrent une belle résilience. Ils m’apportent autant que je peux leur apporter.»
Elle constate à quel point le visage de l’itinérance a changé. Les gens en situation précaire sont plus jeunes. Trouver un logement décent et abordable est difficile. Les drogues qui circulent dans la rue sont des mélanges complexes, de mauvaise qualité, qui accentuent les troubles de santé mentale et psychose.

L’univers dans lequel elle se trouve nécessite une ouverture d’esprit. «J’essaie de changer les mentalités, a-t-elle assuré. Tout le monde peut tomber dans l’itinérance. Des fois, j’entends des histoires et je me dis qu’à la place de mes patients, je serais en petite boule dans un coin. »

L'infirmière et la médecin de la Clinique Repères avec Marc-André, un usager pour qui la vie a changé à leur contact. (Photo Journal Saint-François : Eric Tremblay)