Dre Jocelyne Paulin accroche son sarrau
Le 31 décembre, il n’y a pas que l’année 2024 qui tirera sa révérence. Ce jour marque également le dernier en clinique pour la Dre Jocelyne Paulin. La médecin de famille, obstétricienne qui a assisté à la naissance de milliers d’enfants dans la région, prendra sa retraite.
«Mon chiffre, c’est 65 ans, a-t-elle annoncé. C’est lui qui a décidé. Ça fait aussi 39 ans que je pratique et je me demandais si je me rendais à 40. Finalement, ce sera 40 ans pareil parce que je vais rester pour assurer des suivis.»
Le 3 juillet 1985, Dre Jocelyne Paulin faisait sa place, stéthoscope au cou à la clinique du Havre Santé. Elle quittera, 40 ans plus tard, après avoir pris soin de milliers de patients, dont 2500 qui ont leur dossier à cabinet.
«J’ai fait la liste des patients, avec ma secrétaire, pour envoyer des lettres pour annoncer ma retraite; des fois, je reconnaissais les gens par leur maladie ou ce qu’ils ont vécu, s’est-elle remémorée. De connaître à ce point les gens selon, les étapes de leur vie, c’est ça la fibre du médecin de famille.»
Originaire de Salaberry-de-Valleyfield, Dre Paulin compte parmi ses patients des gens qu’elle a côtoyés à l’école, au Cégep, d’anciens voisins, etc. Un certain lien de proximité qui a permis d’instaurer un climat de confiance dans la relation médecin/patient.
Elle a pu constater, lors de sa dernière journée de bureau, le 19 décembre, que les gens lui ont été fidèles. «Une dame est venue pour soigner une grippe. Quand j’ai ouvert son dossier, j’ai vu qu’elle avait consulté le 5 juillet 1985, ma première journée de rendez-vous, a-t-elle indiqué. Je l’ai accouché trois fois, j’ai fait les suivis, etc. Elle est là depuis mes débuts.»
Nombreux cadeaux, messages et cartes lui ont été remis également par des gens qui ont été à ses bons soins. «Je n’ai jamais pensé que j’étais appréciée à ce point.»
Donner la vie
À l’université, Dre Paulin a développé une passion pour l’obstétrique. «Ç’a allumé une flamme qui est restée tout ce temps-là, a-t-elle confié. Mettre la vie, c’est toujours un plaisir, un bonheur.»
Sauf pour les quatre périodes où elle a elle-même accouché, l’obstétricienne a participé entre 70 et 100 accouchements par année.
Des moments généralement magiques, mais la médecin devait se préparer à toutes éventualités. «On garde toujours en tête qu’il peut y avoir des choses qui arrivent, a-t-elle dit. Quand ça survient, c’est un défi. Ce n’est pas facile de passer à travers. Il faut garder la tête froide et être empathique avec la famille. Il faut être fait fort et avoir une carapace. Ça ne s’apprend pas à l’école.»
La dernière année à été plus émotive à ce chapitre alors qu’elle a annoncé à des patientes qu’elle ne pourrait pas assurer le suivi de grossesse en raison de sa retraite à venir.
Les enfants et suivis de grossesse ont toujours fait partie de sa carrière. Le bac à jouet dans le coin de sa clinique en témoigne. «Je dois avoir 20 années de Joyeux festins dans mon bac, a-t-elle rigolé. Les jouets étaient reliés à des films dans le temps, ils étaient plus beaux. Je ne sais pas ce que je vais faire avec tout ça.»
La rencontre a aussi permis de démystifier un mythe : est-ce vrai que la pleine lune influence les accouchements ? «Non, ce sont les grands vents qui font péter la balloune», a-t-elle indiqué parlant ici des variations de la pression barométrique.
L’évolution de la médecine
En bientôt 40 ans, elle a vu le métier évoluer. La médecin a travaillé des heures, entre la clinique, les accouchements et les étages de l’Hôpital du Suroît où elle a assuré des suivis de patients. Elle a procédé des accouchements alors que l’épidurale n’existait pas. Prescrit des médicaments tout aussi nouveaux. Rester jusqu’à minuit pour transcrire des notes et remplir des formulaires.
Parlant d’évolution et d’écriture, Dre Paulin déboulonne un autre mythe, celui sur l’écriture des médecins. «J’ai commencé en 1985 et j’ai intégré l’ordinateur en 2014 seulement, a-t-elle mentionné. Je relisais mes premières notes et je me disais que j’écrivais donc bien dans ce temps-là. Mais, depuis, il a fallu augmenter le débit. On écrit mal en tabarnouche avec des symboles, des dessins ou des abréviations. Mais chaque médecin sait se relire.»
Et malgré tout, Dre Paulin a trouvé le moyen de s’impliquer dans plusieurs comités. «J’aimais ça tout savoir, a-t-elle assuré. Je n’ai jamais été au-devant. Certains comités, on a dû me tordre un bras. Et depuis quatre ans, je suis la cheffe du groupe de médecine familiale du Lac Saint-François. »
Et l’avenir ?
Si elle ne répondra plus directement aux patients, elle va conserver son bureau encore au moins six mois. Le temps d’assurer le suivi de ce qu’elle a prescrit et numériser des notes de patients qu’elle doit conserver précieusement. Le mot retraite ne prend donc pas pleinement son sens immédiatement.
Quant à ses projets futurs, elle planifie des rénovations, de la lecture, notamment à saveur historique, elle qui se passionne pour le patrimoine de sa ville.
Le nom Paulin, en quelque sorte, continuera néanmoins de résonner dans la région. «Mon dernier étudie en médecine, mais il s’en va comme spécialiste; il dit que médecin de famille, c’est trop de job, a affirmé Dre Jocelyne Paulin. Il a la fibre comme moi, il veut revenir dans le coin.»
Avoir pu pratiquer dans sa ville natale a permis d'avoir une certaine proximité avec ses patients selon Dre Jocelyne Paulin. (Photo Journal Saint-François : Eric Tremblay)