Serge Rompré se trouve dans la zone grise de la bureaucratie. Sans médecin de famille et sans psychiatre, l’homme en est rendu à se demander s’il doit commettre un délit afin d’obtenir de l’aide pour soulager sa condition physique et mentale.
Lourdement diminué à la suite d’un accident de travail survenu en 2007, il vit désormais de l’aide sociale puisque la Commission de la santé et sécurité du travail a fermé son dossier en 2010. Depuis six ans, M. Rompré essaie de faire reconnaitre sa limitation physique, lui qui a la colonne vertébrale tordue.
Comme sa condition physique n’est pas reconnue par l’aide sociale, il est privé de 330 $ par mois. Seul un médecin pourrait remédier à cette situation. «Je n’ai pas de médecin traitant, mentionne l’homme dans la cinquantaine. Chaque mois, je dois passer une dizaine d’heures à l’hôpital juste pour faire renouveler ma prescription de narcotique puisqu’aucun médecin à l’urgence ne peut faire une prescription renouvelable. Je vis continuellement avec une douleur chronique. Cela fait en sorte que j’ai développé beaucoup d’agressivité. J’ai peur de moi-même parfois.»
Pour imager ses propos, M. Rompré confesse qu’il lui est impossible d’aller simplement dans un dépanneur. «Le 23 décembre dernier, j’étais à pied en direction du dépanneur. Un autre piéton a traversé la rue devant moi. J’ai sorti un couteau et j’étais prêt à le poignarder tellement je suis devenu paranoïaque à cause de la douleur constante. Dois-je tuer quelqu’un et boire du lave-vitre pour pouvoir consulter un psychiatre et recevoir des traitements», questionne-t-il.
À un autre moment, M. Rompré avoue avoir tué son chat à l’aide d’un marteau. «Je l’ai dit au médecin et il l’a même écrit dans le rapport. J’ai tué le chat et après je suis retourné me coucher et là, j’ai bien dormi. Devant les faits, le médecin a changé ma médication et il m’a référé à un de ses confrères.»
Le 8 janvier dernier, Serge Rompré a tapissé les bureaux de la CSST de Salaberry-de-Valleyfield avec des affiches revendicatrices et il s’est enchainé à un poteau. «Je voulais me faire arrêter pour pouvoir recevoir des services. Je savais très bien que les policiers allaient m’amener en psychiatrie et c’est ce qui est arrivé. Malheureusement, lorsque j’ai dit au psychiatre que je n’avais pas d’idée suicidaire, il m’a retourné à la maison, mais je suis encore tout aussi agressif, sinon plus.»
Si le geste de M. Rompré peut paraitre un cri de douleur pour certain, il n’a donc pas été perçu ainsi par le psychiatre de service. «Les policiers comprenaient ma situation. Je n’ai pas été accusé de rien et ils m’ont même redonné mes affiches. Elles servent maintenant de décorations dans mon salon.»
M. Rompré est d’avis que le système l’a laissé tomber. Il passe plusieurs heures par semaine à chercher une solution à sa situation. «Je ne me laisserai pas faire. J’ai besoin d’aide pour comprendre ce qui m’arrive. J’ai peur, j’ai mal, je pleure souvent à cause de la douleur. Si je dois commettre un crime pour qu’un juge ordonne que je subisse une évaluation psychiatrique, je vais le faire», laisse-t-il savoir.
