Ils ont fui l’Ukraine pour rejoindre leur fille à Valleyfield
Eugène Bogdanov et son épouse Élizabeth ont vécu des semaines d’angoisse sous le feu des bombardements russes dans leur ville de Boutcha, en Ukraine, avant de se résigner à quitter les lieux pour venir rejoindre leur fille Victoria, établie à Salaberry-de-Valleyfield.
Plusieurs médias internationaux ont qualifié Boutcha de «ville martyre» après le passage des soldats russes en février dernier. La ville située au nord de Kiev, à 1200 km du Belarus, a été la cible de l’armée de Vladimir Poutine dès le 24 février. Des crimes de guerre y ont été commis.
Le couple de réfugiés confirme avoir été témoin des cadavres abandonnés dans la ville, une soixantaine d’entre eux enterrés dans une fosse commune. « On a subi des bombardements durant 24 heures, raconte Mme Bogdanova. On était cachés sous les escaliers pour se protéger, il faisait très froid.»
Dès les premiers jours de l’invasion russe, tous les moyens de communication ont été coupés, tout comme l’alimentation électrique. « On faisait fondre la neige pour avoir de l’eau à boire et on n’avait qu’un barbecue pour se faire à manger», poursuit Eugène, 72 ans, un contrôleur aérien à la retraite.
Le couple ne croyait pas en arriver à devoir quitter, mais a dû se rendre à l’évidence. Ils devaient fuir pour leur sécurité.
Long périple
C’est grâce à un convoi humanitaire mis sur pied par la Croix-Rouge que Eugène et Élizabeth ont pu quitter Boutcha vers l’ouest, le 11 mars à bord de leur voiture. « Je craignais une crevaison et de rester pris là, tellement il y avait de débris sur la route», note M. Bogdanov
Sur leur trajet, ils ont pu constater des immeubles détruits par les bombes russes, des véhicules calcinés et… des cadavres, tant d’humains que d’animaux domestiques.
Élizabeth et Eugène ont raconté les semaines angoissantes qu’ils ont vécues lors de l’invasion russe. (Photo Journal Saint-François Mario Pitre)
Après un arrêt à Lviv, ils ont pu atteindre la Pologne après 10 heures de route, où le poste frontalier était submergé de demandeurs d’asile. Après quelques temps passé à Cracovie, un couple d’Allemands les a invités à se rendre à Berlin en mini-bus, où ils ont été hébergés. Puis, un autre jeune couple allemand a pu les héberger durant deux jours.
C’est alors qu’ils ont pu obtenir de se rendre en France, où ils ont été hébergés au presbytère de la commune de La Chapelle-Saint-Laurent. Aidés par les habitants des lieux, ils y sont demeurés durant quatre mois, jusqu’à leur transfert au Québec.
Enfin réunis
À la suite de laborieuses démarches auprès du gouvernement canadien, avec l’appui des députés Claude DeBellefeuille et Claude Reid, Victoria Bogdanova a pu finalement accueillir ses parents le 1er août à l’aéroport Montréal-Trudeau. Un moment rempli d’émotions, confirme la jeune femme, enceinte d’une petite fille attendue pour la mi-septembre.
« Au moment de l’invasion, mes parents me disaient de bien prendre soin de moi. Mais la grossesse a été marquée par l’inquiétude, avoue-t-elle. J’ai été plusieurs semaines sans avoir de nouvelles d’eux.»
Victoria a pu aussi compter sur l’appui de ses collègues de Voyages Gendron, dont l’agence a pris soin de défrayer les billets d’avions de ses parents.
Le couple de réfugiés apprécie la vie à Salaberry-de-Valleyfield, où ils étaient déjà venus comme touristes à deux reprises. «Nous aimons Valleyfield», confirme la grand-maman dans un français approximatif.
Ils ignorent pour combien de temps ils demeureront chez nous, ce sera selon l’évolution du conflit en Ukraine. Mais ils comptent bien perfectionner leur français afin de pouvoir mieux s’intégrer à leur communauté d’accueil.
Il va sans dire que de tels événements aiguisent la capacité d’adaptation de réfugiés comme les Bogdanova. Originaires d’Azerbaïdjan, ceux-ci avaient dû fuir leur pays une première fois en 1990 lors du conflit avec l’Arménie qui a fait plus de 30 000 morts. Ils s’étaient alors établis à Odessa, en Ukraine pour ensuite aller vivre à Boutcha.