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La prison avec sursis pour une femme qui a fait vivre un cauchemar à ses enfants

le mardi 19 décembre 2023
Modifié à 8 h 27 min le 20 décembre 2023
Par Eric Tremblay

etremblay@gravitemedia.com

Pauline Richer a obtenu une peine de prison avec sursis pour avoir fait vivre des atrocités à ses enfants. (Photo Journal Saint-François : Eric Tremblay)

Pauline Richer a reconnu sa culpabilité à deux chefs d’accusation de voies de fait et deux autres d’abandons d’enfants. La sexagénaire a fait vivre des gestes horribles à ses trois enfants entre 1981 et 1983 à Saint-Anicet et Cazaville. Présents dans la salle, Damien, Geneviève et Mélanie ont reçu l’aveu de leur mère comme un cadeau de Noël avant le temps.

«Ça vient [un verdict de culpabilité], nous apaiser un petit peu, a exprimé Mélanie Castagner au palais de justice de Salaberry-de-Valleyfield mardi après-midi.

Pour Damien, la démarche de sa mère, qui a reconnu ses torts plus de 40 ans plus tard, représente un soulagement.
L’aîné de la famille, qui avait entre 5 et 7 ans au moment des faits, a été très protecteur avec ses sœurs. «C’est notre héros, ont confié Mélanie et Geneviève. C’est notre grand frère. On ne serait pas là sans lui.»
 

Un milieu de vie insalubre

Durant la période qui s’étire sur environ 2 ans, les enfants ont manqué de nourriture. Au point où Damien a même «chassé» un oiseau qu’il a fait cuire au micro-ondes pour nourrir ses sœurs et lui. Sinon, du savon, des oignons crus et des excréments ont dû être mangés en guise de conséquence pour les trois victimes.

Mélanie, la souffre-douleur, a eu un bras brisé par sa mère lorsqu’elle a été projetée en bas de son lit superposé. Au retour de l’hôpital, sa mère lui a aussitôt enlevé son plâtre.

Les enfants ont aussi affiché des brûlures de cigarette et se sont souvent retrouvés enfermés dans leur chambre alors que Mme Richer était absente.

La maison a été qualifiée d’insalubre, alors qu’un seau servait de toilette aux enfants. Si bien que la Direction de la protection de la jeunesse a ultimement saisi les enfants. Ceux-ci ont été placés en famille d’accueil, séparément. «Ce sont des faits qui sont extrêmement troublants, a affirmé la procureure au dossier, Me Mylène Brown. Même en lire une simple partie, ça glace le sang.»

Geneviève, Damien et Mélanie Castagner se sont adressés avec beaucoup d'émotion à la cour pour témoigner des sévices dont ils ont été victimes. (Photo Journal Saint-François : Eric Tremblay)

Déclarations saisissantes

Les trois victimes ont accepté de lever l’ordonnance de non-publication et se sont adressées à la cour. Un moment fort émotif qui a demandé beaucoup de courage.

Elles ont toutes parlé du sentiment d’abandon qui les ronge. «Tu ne connais rien de ce que j’ai vécu, a d’abord indiqué Geneviève. C’est désolant de se rendre compte que tu n’es pas venue au monde pour être aimée et épanouie.»

Son frère a lu un texte sous forme de poème dans lequel il indiquait, avec difficulté, qu’il aimait toujours Pauline Richer malgré ce qu’elle lui avait fait.

Pour Mélanie, qui a avoué avoir voulu s’enlever la vie à quelques reprises, elle a dit espérer longtemps se réveiller le matin en se disant que ce n’était qu’un cauchemar. Au moment de devenir maman à son tour, elle a stressé à l’idée répéter les agissements de sa propre mère.

L’Honorable Joey Dubois, qui présidait la séance, s’est adressé aux enfants. «J’espère que vous allez trouver le moyen de cheminer à travers cette épreuve. »

La prison à la maison

Quarante ans plus tard, la rancœur et l’amertume rongeaient les trois enfants Castagner. Ils ont tenté, sans succès, de tisser des liens avec leur mère au fil du temps. Si bien que le plaidoyer de culpabilité représente un apaisement pour eux.

La peine de deux ans moins un jour à purger à sa résidence de Drummondville, assortie de trois ans de probation et d’une multitude de conditions, est une suggestion de commune de Me Brown et de l’avocat à la défense, Me Jacques Vinet. 

Cette décision évite un long procès et n’obligera pas les enfants à témoigner devant la cour.

Me Brown a rappelé que la prison avec sursis n’était pas un palliatif à une sentence au pénitencier. 

L’accusée a été victime d’un choc vagal au moment d’entendre les plaidoyers des avocats et a eu besoin d'une chaise roulante pour quitter le palais de justice. Le jugement a été longuement retardé.

Le juge Joey Dubois a rappelé à l’accusée que leurs enfants avaient le droit d’être aimés. «Ce que vous avez fait c’est grave et criminel, a-t-il dit. Vous avez gâché leur vie.»

La procureure au dossier, Me Mylène Brown, a rappelé que la prison avec sursis demeurait lourde de conséquences pour l'accusée. (Photo Journal Saint-François : Eric Tremblay)

Une dénonciation importante

Damien, Geneviève et Mélanie ont mis quelque 40 ans avant de dénoncer leur mère. La justice vient ici prouver qu’il n’est jamais trop tard. «Il y a toujours quelqu’un pour nous écouter dans la vie, a déclaré Damien à la sortie de la salle d’audience. Il y a bien d’autres gens à qui ça arrive; faites confiance à votre cœur et parlez.»