Originaire de la région de Bordeaux en France, cela fait exactement 50 ans que le tailleur Yves Esclamadon a émigré au Canada, plus précisément au Québec à Salaberry-de-Valleyfield.
Même s’il est devenu citoyen canadien en 1970, Yves Esclamadon se considère toujours comme un immigrant. «Je serai un immigrant toute ma vie», a-t-il confié lors d’une entrevue au Journal Saint-François.
Depuis deux ans, il écrivait des chroniques sur sa page Facebook traitant de son départ de la France sans argent, de son arrivée en sol québécois, de son adaptation dans la ville campivallensienne, de ses débuts comme tailleur et de son évolution comme adulte puisqu’il n’avait que 18 ans en novembre 1965.
Les chroniques s’accumulant – chaque chronique faisant une à deux pages – il décide de réunir tous les textes pour en faire un livre. Intitulé Chronique du coin de ma machine à coudre: l’immigration au quotidien, le bouquin renferme 356 pages d’anecdotes et de faits vécus.
«J’ai commencé ce récit sur le coin de ma machine à coudre. Beaucoup de pages y ont été écrites entre deux coutures», raconte M. Esclamadon.
Plus de 500 personnes lisaient régulièrement les chroniques sur sa page Facebook et il affirme que des immigrants se reconnaissaient dans ses écrits.
«Cette motivation est celle d’un immigrant qui a entendu parfois certains Québécois dire n’importe quoi sur nous. Souvent, j’ai été blessé par ces remarques même si elles ne s’adressaient pas à moi, elles s’adressaient aux immigrants en général et j’en suis un. Actuellement, ce sont les musulmans qui ont mauvaise presse. En 1965, c’étaient les Français et les Italiens», affirme Yves Esclamadon.
Bonne volonté
Il faut dire que son arrivée au Québec n’a pas été de tout repos même s’il démontrait de la bonne volonté et des aptitudes élevées pour le travail. Sans le sous, il devait déjà rembourser un montant de 1000 $ à l’état canadien, soit le prix de son billet d’avion payé par le gouvernement du Canada. Puis, il demeurait en pension chez une dame du quartier Bellerive.
Fort heureusement, en débarquant à Valleyfield, il avait un emploi assuré chez le tailleur André Saphore qui avait étudié, lui aussi, à Bordeaux en France. Il a également travaillé à l’usine de la Montreal Cotton pour y arrondir ses fins de mois. Au début, il était rejeté par les autres employés de son département.
«J’étais perçu comme le Français voleur de jobs. Les gens ne savent pas ce qu’est un immigrant. L’intégration est à deux sens. Pour s’intégrer, il faut qu’on nous intègre. J’ai réglé le problème à ma façon avec mes confrères de travail», dit-il.
Yves Esclamadon avoue n’avoir pas réfléchi à toutes les conséquences de son départ de la France, lui qui laissait ses parents, son frère, ses deux sœurs et son amoureuse.
Son père, qui a combattu durant la Seconde Guerre mondiale, a été la raison de sa fuite vers le Canada. «Il fallait que je quitte mon père. La guerre l’a transformé et il buvait beaucoup. Mon père n’est pas mort à la guerre mais il est mort de la guerre».
Une rencontre déterminante
La rencontre de Manon, sa future épouse, allait devenir déterminante pour son avenir, ajoutant du même coup une certaine stabilité à sa vie. Un fils (Éric) naîtra de cette union et il est maintenant grand-père de quatre petites-filles.
Par ailleurs, avant de gérer sa propre boutique de vêtements pour hommes et tailleur, il a également œuvré pour Lucien Leduc et Robert Breton.
Âgé de 68 ans, Yves Esclamadon se dit pleinement intégré au Québec mais il ne peut renier ses racines françaises.
Enfin, l’auteur a soumis un manuscrit de son livre aux Éditions La Presse et il attend une réponse au cours des prochains mois. Pour le moment, le bouquin est disponible à sa boutique de la rue Grande-Île.

