Opinion

Lettre ouverte pour la demande anticipée d’aide médicale à mourir

le dimanche 02 juin 2024
Modifié à

La députée de Salaberry-Suroît, Claude DeBellefeuille. (Photo gracieuseté)

Depuis le début de l’année 2024, il est beaucoup question de l’aide médicale à mourir à la Chambre des communes d’Ottawa, ou des soins de fin de vie comme je préfère les appeler. En tant que travailleuse sociale qui a travaillé auprès des aînés, j’aimerais partager avec vous mon point de vue sur la question.

Le Bloc Québécois a déposé un important projet de loi ce mercredi 22 mai à la Chambre des communes, dans le but de permettre aux personnes qui souffrent de maladies neurocognitives graves et incurables de déposer une demande anticipée d’aide médicale à mourir.

Ce projet de loi, appuyé par madame Sandra Demontigny, par le Collège des médecins, le Barreau du Québec, la Chambre des notaires du Québec et les associations québécoise et canadienne pour le droit de mourir dans la dignité, vise à permettre aux personnes atteintes d’une maladie menant à l’inaptitude comme l’Alzheimer et la démence, de formuler une demande anticipée d’aide médicale à mourir lorsqu’elles en sont encore capables.

Rappelons que le Québec a été le premier au Canada à adopter une loi sur le « droit à mourir dans la dignité » en 2015. Le débat sur ce sujet sensible et complexe s’est déroulé dans un climat serein et non partisan grâce, entre autres, à la consultation d’une multitude d’acteurs impliqués : des citoyens et des personnes malades, des professionnels de la santé, des proches aidants, des éthiciens, des groupes religieux, etc.

Soulignons le travail exceptionnel de l’ex-députée Véronique Hivon, coauteure du projet de loi « Mourir dans la dignité », pour que le débat se déroule sainement et sans partisanerie à l’Assemblée nationale. Mme Hivon est considérée à juste titre comme la « mère » de la loi actuelle sur les soins de fin de vie qui a été mise en oeuvre en décembre 2015.

Les demandes anticipées

Ce qu’on comprend, c’est que le Québec a été précurseur avec l’adoption de la loi sur les fins de vie et qu’il avait une longueur d’avance sur le reste du Canada au niveau du débat public et de l’acceptabilité sociale. Neuf ans après la mise en oeuvre de « Mourir dans la dignité », personne ne penserait à revenir en arrière. Le Québec en est plutôt rendu à peaufiner sa loi et à l’ajuster en fonction de la réalité vécue par les citoyens et par les patients. Le Québec a fait ses devoirs sur la question des demandes anticipées et en est arrivé à un consensus.

Or, la nouvelle mouture de l’aide médicale à mourir proposée par le Québec demande une modification du Code criminel canadien puisque celui-ci indique clairement que les personnes doivent être aptes jusqu’à la fin pour prendre la décision de l’aide médicale à mourir. Le gouvernement fédéral veut attendre jusqu’en 2027 pour se prononcer cette modification du Code criminel. C’est beaucoup trop long. Le Canada peut prendre le temps de réfléchir, mais le Québec, lui, il est prêt.

En plus d’être une décision intenable pour les personnes qui souffrent en ce moment, ce refus catégorique d’Ottawa illustre bien que le Québec n’est pas libre de ses choix, et ce, même dans un dossier aussi profond, délicat et bien mené par la société québécoise. Au Bloc Québécois, mes collègues et moi-même préconisons une approche humaine, en accord avec les démarches entreprises par le gouvernement du Québec, pour répondre aux besoins des personnes souffrant de maladies neurocognitives graves et incurables. Notre projet de loi permettra de régler cet aspect extrêmement important de cette législation pour garantir la sérénité des patients et permettre aux personnes concernées de vivre leurs dernières années de lucidité dans l’apaisement.

Québec demande simplement à Ottawa d’exclure du Code criminel les prestataires de l’aide médicale à mourir pour les demandes anticipées et j’appuie complètement cette demande. Cet amendement avait été proposé il y a quelques mois par le Bloc Québécois lors des débats sur le projet de loi C-62, mais avait été battu. Donnons priorité aux personnes souffrantes. Si nous étions maîtres chez nous, nous n’aurions pas à demander à Ottawa la permission d’agir sur un sujet aussi crucial que celui de la vie et de la mort. Si nous avions le contrôle de tous les leviers politiques, nous pourrions décider par nous-mêmes.

N’abandonnons pas les patients au nom du fédéralisme !
Je vous invite à aller signer la pétition sur les demandes anticipées d’aide médicale à mourir (pétition e-4942) pour demander au ministre de la Justice de modifier le Code criminel. N’hésitez pas à la partager. Ensemble, nous pouvons créer un mouvement positif !

Claude DeBellefeuille

Députée de Salaberry-Suroît