Opinion

Opinion - Santé mentale: personne n'est à l'abri

Il y a 2 heures
Modifié à
Par Mario Pitre

mpitre@gravitemedia.com

(Photo Gaétan Prégent)

4 octobre 2024 – Incident au Cégep de Valleyfield, plusieurs victimes. Faire face versus être aux prises à un enjeu de santé mentale.

Un évènement tragique se déroule au Cégep de Valleyfield. L’école est évacuée. Une large intervention policière est mise à pied, le périmètre encerclé. Les cours sont annulés. Je rafraîchit ma page Facebook pour voir si nous avons des nouvelles sur ce qui est en train de se passer. Des éclats d’informations se font partager sur une page, puis sur une autre. Les commentaires défilent.

On apprend finalement qu’une personne aurait attaqué une employée du Cégep en la poignardant au cou. Par chance, on ne craint pas pour sa vie. Malheureusement, elle en subira probablement des répercussions psychologiques. On lui souhaite un prompt rétablissement.

On sait maintenant aussi que le suspect est un homme et qu’il aurait mis le feu à la cafétéria. Il se fait arrêter, menotter et transporter à l’hôpital. Selon les dires de la SQ, il sera visité lorsque son état le permettra.

Je continue de regarder les commentaires sur les réseaux sociaux.

« La tolérance de la ville face à eux vient de se terminer direct. On a été assez tolérants et conciliants mais quand ça commence à poignarder les gens, ça marche plus ! »

Eux.

Eux-autres, là. Les junkies. Les drogués. Les criminels. Les dégueulasses. Les pleins de maladies. Les malades-mentaux.

Pas dans mon dictionnaire à moi. Premièrement, je ne parle pas au « on ». Parce que ce que je vais dire, ça vient de ma perception à moi, mon expérience, mon ouverture d’esprit, ma compréhension du monde dans lequel on vit, mon empathique, mon cœur.

Eux-autres, là. Les victimes de troubles de santé mentale. Les personnes qui ne se retrouvent avec rien. Ces gens qui souffrent du manque de ressource. Ces martyres du système. Ces incompris, qui, au final, sont des êtres humains aussi.

Premièrement, de mettre toutes les personnes en situation d’itinérance dans le même bateau, c’est complètement ridicule, car elles ont toutes et chacune une histoire différente. Si vous preniez le temps de les écouter, vous seriez surpris de connaître leur parcours.

Ensuite, pour aborder le sujet de la drogue, on pourrait en parler longtemps, mais moi aussi, si je n’avais pas de place où dormir quand il fait – 20 degrés l’hiver au Québec, bien probablement que je me gèlerais pour ne pas mourir gelée. Continuer de marcher encore, encore, encore, me garder au chaud, survivre, pour finir par m’endormir sur un banc, mais devoir recommencer la nuit suivante.

C’est vicieux, la consommation, oui. Accessible, oui.

Le cercle de la survie dans la rue ? Impardonnable.

Mais pourquoi s’arrêter à la consommation, qui souvent découle d’un problème de santé mentale ? Personne n’est à l’abris de ce fléau.

Si on se disait que le suspect qui aurait poignardé une femme au Cégep ce matin était en psychose, voici ce qui pouvait peut-être se dérouler dans sa tête :

Oscillant entre la réalité et l’irréel, il entend des voix, il aperçoit des formes humanoïdes. Une personne se tient devant lui, le visage de cette femme se déforme en un rictus maléfique. Elle lève le bras pour se protéger : il pense qu’elle va l’attaquer. Les voix dans sa tête tourbillonnent, il se défend à coups de couteaux.

Ce n’est peut-être totalement pas le cas. C’est peut-être une personne atteinte de schizophrénie qui a arrêté sa médication. C’est peut-être une psychose dû à la drogue. Ou au manque de sommeil. Peu importe ce qui s’est passé à ce moment, le geste n’est pas pardonnable, on ne poignarde pas quelqu’un, mais est-il vraiment coupable de ses actes ?

Que signifie le verdict de « non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux »?

« Les gens commettent parfois des crimes alors qu’ils ne peuvent pas comprendre les conséquences de leurs actes ou parce qu’ils sont incapables de faire la différence entre le bien et le mal. Au lieu de les punir, un juge (ou un jury) peut les déclarer non criminellement responsables de leurs actes en raison de troubles mentaux. Cela ne veut pas dire que l’accusé est acquitté : on reconnait que l’accusé a commis le crime, mais on considère qu’il ne devrait pas être puni parce qu’il n’a pas « choisi » de commettre ce crime. »1

Qu’est-ce qu’on fait, pour aider ces gens ? Qu’est-ce qui pourrait être fait ?

Avec la technologie, tout est maintenant possible. Par exemple, faire une simulation à l’aide d’un casque de réalité virtuelle pour voir comment les gens en psychose peuvent voir les choses. Vivre l’espace de quelques minutes la réalité d’une personne atteinte d’hallucinations. Entendre les voix que les victimes de trouble schizophrène entendent.

1. Exiger que les premiers répondants reçoivent plus de formation pour adéquatement agir lors de ces situations, car des études ont été faites et la gestion par la police des cas de santé mentale peut empirer la situation de manière fatidique.

La situation était déjà grave [dans les années 1980], et c’est pire maintenant. Les policiers ne sont pas des professionnels de la santé mentale, leur présence même aggrave les situations et leur équipement (les armes à feu) peut transformer une situation gérable en une rencontre fatale.2

2. Je ne le dirai jamais assez, mais nous avons besoin de plus de ressources. Plus de financement de la part du gouvernement pour aider les gens dans le besoin.

3. Plus de témoignages de la part de gens qui vivent avec des troubles de santé mentale. Car ce trouble sera vécu de manière différente par chaque personne avec un diagnostic.

4. Plus de compréhension et d’humanité. Sortir de son petit cocon et réaliser qu’au final, nous sommes une société, et que si on continue de se diviser contre les populations stigmatisées au lieu de s’unir pour les aider, le cycle de violence ne sera jamais réduit.

Finalement, je vous invite à participer à la Nuit des Sans Abris qui aura lieu le 18 octobre prochain à Valleyfield. Venez rencontrer ces gens merveilleux qui ont tous une histoire à conter.

Pour avoir travaillé à proximité avec eux, je peux vous garantir qu’ils sauront vous surprendre.

Et n’oubliez pas que personne n’est à l’abri des troubles de santé mentale.

Non, même pas vous.

Lidya Lagarde,

Étudiante au Cégep de Valleyfield,

Intervenante psychosociale,

Humaine avec un trouble de santé mentale diagnostiqué