Le 17 mai 2007, après une douzaine d’années de démarches judiciaires, le ministère canadien de la Citoyenneté et de l’Immigration a rendu une décision en faveur de Vladimir Katriuk afin qu’il demeure citoyen à part entière du pays.
L’Ukrainien d’origine, qui était arrivé à Québec sur le bateau à vapeur «Nelly» en compagnie de son épouse Maria en 1951, avait utilisé le prête-nom de Nicolas Schripka pour entrer au Canada. Ayant déserté l’Ukraine devenue sous l’emprise des Russes et joint les rangs des alliés avant la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, il a été forcé de quitter la Légion Étrangère de France en empruntant l’identité de son beau-frère. Sinon, Vladimir aurait été affecté à un autre conflit sanglant en Indonésie.
Plus de 5 ans après son arrivée au Canada, le couple a formulé une demande pour redevenir M. et Mme Katriuk. Cette requête a été acceptée par le «fonctionnaire supérieur à l’immigration», le 13 mai 1958. Toutefois, le Centre Simon-Wiesenthal, dont l’une des missions est de traquer les anciens criminels nazis avant qu’ils meurent de vieillesse, a ravivé le dossier de Vladimir Katriuk afin qu’il comparaisse devant la cour fédérale du Canada en 1996.
Les tentatives de révoquer la citoyenneté canadienne de l’ancien vétéran de la guerre, représenté par son avocat ukrainien, Me Orest Rudzik, se sont finalement avérées vaines. Or, le mois dernier, c’est Moscou qui a voulu relancer les recherches en demandant au Canada d’extrader l’homme de 93 ans qui vivait à Ormstown depuis plus d’un demi-siècle.
Aux yeux de plusieurs experts, il s’agissait d’une manœuvre pour faire mal paraître le Canada et l’Ukraine dans un contexte politique particulièrement tendu où le gouvernement Harper ne cache pas son opposition aux interventions de l’administration russe de Vladimir Poutine. Voilà pourquoi Sonija Hart, la résidante d’Ormstown qui se dit la petite-fille d’adoption de l’homme décédé le 22 mai dernier, dénonce ces actions ayant mené éventuellement au décès de Vladimir Katriuk.
A l’exception d’un filleul d’église qui est venu de Toronto pour ses funérailles, célébrées à la cathédrale Ste. Sophie Orthodox dans le quartier Rosemont, le disparu n’avait pas de famille. Sonija Hart s’est donc assurée d’accompagner quotidiennement son «grand-père» quand il a été hospitalisé à la suite de son ACV.
«Je suis contente d’avoir été avec lui dans les derniers moments. Je l’ai fait parce que j’étais près de Vladimir et Maria. Ils avaient besoin d’aide. Je tenais à ce que ses dernières volontés soient faites. Je veux aussi que la vérité sorte à son sujet », devait-elle signifier.
Quelques jours avant sa mort, Vladimir a confié à Sonija le soin d’aller chercher des photos qui étaient cachées sous le matelas d’un lit dans un appartement qu’il continuait de louer à Montréal. Elle a découvert une collection d’une grande richesse de clichés que peu de gens ont pu voir. Des photos remontant aux années ’50 et que Le Journal a publié dans la présente édition dans un montage (en page 8).
«Dans les derniers jours à l’hôpital, on regardait les photos ensemble et il m’a raconté des choses sur la guerre, ce qu’il a fait rarement depuis que je le connais. Des moments qui resteront de précieux souvenirs», de relater Sonija Hart. «Vladimir m’a donné ses poules, les plants de son jardin et son dernier pot de miel. Il voulait que je prenne ses abeilles et les dernières ruches mais je ne suis pas assez familière avec l’apiculture», devait-elle spécifier.
Quant à son épouse Maria, avec qui Vladimir partageait sa vie depuis près de 70 ans, elle a mal encaissé la perte de son grand amour et elle a dû quitter la petite maison d’Ormstown afin d’aller vivre dans un centre d’hébergement à Vaudreuil-Dorion.
| La vie chronoligique de Vladimir Katriuk | |
| 1921 Né le 1er octobre à Luzhany, actuelle ville d’Ukraine et ancienne région de Bukovine (Roumanie). | |
| 1942 Rejoint le 118e Bataillon Nazi pour combattre les Russes de Staline | |
| 1943 Soupçonné d’avoir participé à la tuerie du village de Katyn en Biélorussie (149 civils, dont 75 enfants). | |
| 1944 En août, devient membre de la 30e Division de Grenadiers de la Waffen SS | |
| 1944 En septembre, des compagnons et lui désertent pour se joindre les alliés en l’occurrence la Légion Etrangère française (LEF). | |
| 1944 Simple soldat, il va au front avec une vingtaine de «volontaires» pour combattre l’armée allemande. | |
| 1944 Blessé par un obus, il passe 2 mois dans un hôpital américain à Paris. | |
| 1945 En mai, la Légion Etrangère française est réorganisé et Katriuk est appelé à quitter pour un nouveau conflit en Indochine. | |
| 1945 Katriuk rencontre sa future épouse Maria Stéphanie Holodomane à Paris et il obtient de faux papiers sous le nom de son beau frère, Nicolas Schpirka. | |
| 1951 Le couple émigre au Canada sous l’identité de Nicolas et Maria Schpirka. Il sarrivent à Québec le 22 août sur le bateau à vapeur «Nelly». | |
| 1951 Katriuk et son épouse s’établissent à Ormstown où il assouvit sa passion pour les abeilles en devenant apiculteur. | |
| 1958 Vladimir et Maria demandent de se marier sous leur vrai nom de Katriuk, ce qui es taccepté par les autorités canadiennes de l’immigration. | |
| 1996 Sous des pressions, une demande de révocation de sa citoyenneté est entendue devant la Cour fédérale. | |
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1999 Le juge Marc Nadon blâme Vladimir Katriuk d’avoir menti et l’avocat de ce dernier, Me Orest Rudkzik, porte la cause en appel. 2007 Les charges sont abandonnées par la Justice canadienne et Katriuk conserve sa citoyenneté canadienne. |
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| 2012 Le Centre Simon Weisenthal relance le dossier et place Katriuk au 4e rang de la liste des fugitifs nazis le plus recherchés dans le monde. | |
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2015 Le 9 mai, le gouvernement russe de Vladimir Poutine demande au Canada d’extrader l’homme de 93 ans, vraisemblablement pour des motifs politiques. |
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| 2015 Le 15 mai, Vladimir Katriuk subit un AVC, ayant été grandement affecté par les derniers événements, et il reste paralysé du côté gauche. | |
| 2015 Le 22 mai, à 7h35, il rend l’âme à l’Hôpital Memorial d’Ormstown, sans qu’aucune preuve n’ait été fournie contre lui en lien avec les présumés crimes de guerre. Son épouse depuis près de 70 ans, Maria, doit déménager dans un centre d’hébergementde Vaudreuil-Dorion. |
