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La délocalisation de services à l’Hôpital du Suroît aura des impacts disproportionnés sur certaines populations

le mardi 31 mai 2022
Modifié à 15 h 40 min le 31 mai 2022
Par Eric Tremblay

etremblay@gravitemedia.com

Anne Plourde de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques a présenté son constat sur la délocalisation de certains services de l’Hôpital du Suroît. (Photo Journal Saint-François - E.T.)

Les femmes, les aînés et les personnes défavorisées ressentiront de façon disproportionnée le transfert de certains services de santé conclut l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). 

Tel est le constat qui a été présenté devant une salle comble au Club nautique. Politiciens, communautés d’affaires, acteurs communautaires, membres de syndicats ainsi que médecins et infirmières à la retraite sont venus écouter les conclusions de l’étude demandée par le comité Sauvons le Centre mère-enfant et la mission régionale de l’Hôpital du Suroît.

Celle-ci soutient que le Centre de santé et services sociaux de la Montérégie-Ouest (CISSSMO) n’a pas tenu compte de certains éléments; notamment l’âge, le sexe et les revenus de la population. Ce sont des populations vulnérables identifiées. Quand on évoque le transfert du Centre mère-enfant (CME), vers le futur Hôpital de Vaudreuil, on y voit un point critique.

«Déjà, on constate le transfert des suivis de grossesse, mentionne Anne Plourde, chercheuse à l’IRIS. Près de la moitié des suivis se font à l’hôpital; il n’y a pas juste pour l’accouchement que les mères devront voyager, mais pour les suivis. Il n’y a pas de raison de délocaliser entièrement le CME. En fait, on voit difficilement comment ça pourrait se justifier.»

Surtout que pour la période 2010-2020, c’est Beauharnois-Salaberry qui a enregistré la plus grande variation du nombre de naissances (+22 %).

Rita Hart, une infirmière qui a travaillé 31 ans au CME, a jugé important d’assister à la rencontre. «Je sentais que j’avais le besoin de parler, a-t-elle signifié. J’ai côtoyé cette population. Je trouve impensable qu’on enlève les services à une population qui mérite mieux. Il faut être conscient des besoins.»

Elle ajoute avoir reçu plusieurs mères qui étaient venues à la marche à l’hôpital pour leur suivi de grossesse, parce qu’elles n’avaient pas les moyens de débourser pour un trajet en taxi.

Mme Hart garde tout de même espoir de voir l’Hôpital du Suroît conserver les 10 services. Elle a même ajouté son nom pour faire partie d’un éventuel comité de vigie santé.

Difficile 1ère ligne 

Le Suroît a un ratio de 61 patients/1000 en attente d’un médecin de famille. Ce qui surpasse la moyenne provinciale. C’est aussi le pire résultat dans les réseaux locaux de santé du CISSSMO. Le transfert des services se fait dans un contexte où la première ligne, l’accès à un médecin de famille, est déjà difficile», poursuit Mme Plourde. 

On chiffre à 13 % le nombre d’adultes qui éprouvent des difficultés au transport automobile pour les secteurs de Beauharnois-Salaberry et du Haut-Saint-Laurent.  Sans compter la Voie maritime qui sépare le Haut-Saint-Laurent du reste du territoire desservi par le CISSSMO.

Le Haut-Saint-Laurent et le Beauharnois-Salaberry présentent les profils socioéconomiques les plus défavorisés.

Le PDG du CISSSMO sensible
Le CISSSMO avait une forte délégation au Club nautique pour prendre connaissance des résultats de cette étude. «Je suis responsable de la santé populationnelle, a indiqué le président-directeur général de la structure, Philippe Gribeauval pour expliquer sa présence. Les gens présents utilisent nos services. Je suis venu pour entendre leurs préoccupations. Je suis sensible et empathique à ce qu’ils ont à dire.»

Le CISSSMO révise en ce moment le plan clinique qui touche ses établissements hospitaliers et autres centres sous sa gouverne. Une étape nécessaire après que celui qui avait été élaboré préalablement n’atteignait plus les objectifs.

«On se rend compte qu’il y a des développements, a noté M. Gribeauval. Je sais qu’il y a des enjeux de transport et des populations vulnérables et on doit en tenir compte pour donner accès à des services. Ici, il y a accès et proximité des services toutefois et ce sont deux choses différentes.»

Le travail en cours vise à donner des réponses et des pistes de solution. Le CISSSMO est appuyé dans ses démarches par l’Institut du Nouveau Monde. Des rencontres doivent encore avoir lieu avec des groupes pour valider des éléments et vérifier les perspectives d’actions à prendre.

La colère fait place à l’espoir

Rémi Pelletier, coordonnateur à la Corporation de développement communautaire du Haut-Saint-Laurent, constatait avec joie que le comité citoyen faisait un contrepoids dans cet enjeu de société. Il rappelait la réalité des régions rurales et leur droit d’obtenir des services de proximité. «La centralisation des services nous préoccupe.»

À cet effet, une infirmière à la retraite rappelait qu’il n’y a pas si longtemps, des accouchements avaient lieu à Huntingdon. «Plus on avance dans le temps et moins on donne de services à notre monde», mentionnait-elle.

Les services partent, mais les clientèles restent a évoqué le maire de Salaberry-de-Valleyfield, Miguel Lemieux. Celui qui dirige une capitale régionale voit dans l’Hôpital du Suroît un établissement de santé important qui prend soin des citoyens de sa région. 

Il défend le maintien des services à Salaberry-de-Valleyfield d’autant plus que la courbe de croissance ne s’atténue pas. «Elle ressemble à la courbe d’un nouveau variant, a-t-il lancé à la blague. On est encore très loin de l’aplatissement.»

Mais les relations ont changé avec le CISSSMO. Elles sont plus cordiales depuis l’arrivée de M. Gribeauval. Les différents intervenants ressentent une meilleure écoute. «Au départ, il y avait de l’inquiétude et de la colère, a dit le maire. L’inquiétude est toujours là, mais la colère a fait place à l’espoir.»